Bouira: Confronté au vieillissement et au laxisme L’olivier crie sa détresse
Publié le 19.02.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par Ali Douidi
L'importance de l'huile d'olive n'est pas seulement liée aux besoins que nous avons pour cuisiner, mais également pour les besoins de notre corps afin de se maintenir en bonne santé. D'où l'intérêt qu'elle revêt pour les ménages et les producteurs qui font face à une demande croissante. Cette croissance de la demande n'est pas qu'en lien direct avec la situation démographique d'une wilaya ou du pays. Elle est, comme toutes les demandes, exacerbée par le climat qui se caractérise depuis quelques années par une forte sécheresse, et par les incendies qui n'épargnent pas plus les vergers que les forêts. Nous verrons plus loin que si nous avons choisi de nous intéresser plutôt à cette filière qu'à une autre, c'est parce que celle-ci, grâce aux efforts conjoints de l'État et des producteurs, les choses sont loin d'inciter au pessimisme.
Pour la première responsable du secteur, Mme Tira El Adra, l'oléiculture qui couvre une superficie totale de 37376 ha, vient tout de suite après la céréaliculture. Et même si elle affiche une assurance de bon aloi, il reste que les prévisions annoncent un déficit d'un million par rapport à l'année dernière, où la production a plafonné à 5 millions de litres.
Si l'on s'en tient à la situation arrêtée au 12/12/2023, on note que la superficie en rapport (réelle) est de 28117,33 ha et que la superficie récoltée est de 793. La directrice du secteur explique cet écart (entre la superficie totale et la superficie en rapport avec la production), par le fait que le patrimoine oléicole comporte des arbres qui ne sont pas arrivés à maturité. La wilaya ne possédant, selon notre interlocutrice, que deux variétés, le Chemlal et le Ségoise, il faut attendre trois ans pour que le jeune plant donne.
Il y a, ainsi que nous l'avions signalé au début, la sécheresse, bien sûr. Le rendement à l'hectare qui est estimé à 10 quintaux/h est légèrement en baisse. Nous le constatons au rendement: un quintal d'olives donne 13 litres. Par exemple, les 793 ha récoltés cette année, conformément au document de la DSA, cité plus haut, ont pu produire 13898 litres.
Le fait aussi est que le patrimoine oléicole est confronté, comme toute espèce végétale, au vieillissement. Et à ce stade, il est logique que le rendement baisse en fonction de ce phénomène naturel. D'où les efforts constants des oléiculteurs et de l'Etat pour que les oliviers morts ou dont le rendement est déficient soient immédiatement recensés et remplacés. Il y a même un programme pour cela: le Fnda.
Insuffler une nouvelle dynamique
Ce sont les enjeux de la nouvelle politique en matière agricole: rendre au secteur, qui a souffert d'un certain laxisme dans le temps, ses lettres de noblesse. Reverrait-on, à titre illustratif, cette fête ou foire de l'olive des années 2000 et qui faisait, pendant une semaine, de la ville de M'Chedellah la capitale de la wilaya? En abandonnant cette manifestation où il y entrait quand même un peu de folklore (toute fête étant, par définition folklorique), la wilaya n'avait-elle pas, du coup, renoncé à quelque chose d'essentielle qui donnait à ce secteur sa raison d'être? N'a-t-on pas vu, au cours de ces festivités un ministre faire le déplacement et cette déclaration solennelle: «Je veux que dans chaque maison et sur chaque table un litre d'huile»? Il y a loin de la coupe aux lèvres. L'olive a cessé d'être fêtée, comme il se doit, et le litre d'huile qui est passé à mille dinars est désormais hors de portée des bourses modestes.
Pourtant M'Chedella demeure la daïra où l'on observe le plus de vergers d'oliviers. C'est ce que notre interlocutrice désigne par situation en masse et par situation en isolé, à laquelle appartiennent les daïras de l'ouest. Si l'on se fie à certaines sources, il y a comme une sorte de désaffection à l'égard de la filière. «Quand on les (les arboriculteurs) invite à prendre des plants, ils déclinent poliment l'offre» assurent celles-ci. L'objectif est de créer une nouvelle dynamique en redonnant goût à cette culture qui nécessite une énergie et des soins constants pour son développement. S'est la tâche à laquelle s'attache de toutes ses forces la responsable de ce secteur.
La meilleure méthode pour rajeunir une plantation d'arbres fruitiers, c'est de recourir à de jeunes plants pour remplacer les vieux arbres. Et c'est ce que font les autorités du secteur à travers le programme du FNDA. Un petit récapitulatif pour l'année 2018-2020 permet de donner une idée de l'ampleur des efforts déployés dans ce cadre pour le rajeunissement des vergers relevant de la filière oléicole. Pour cette courte période, la DSA a pu procéder à la distribution de 44434 plants au profit de 337 oléiculteurs. Il s'agit ici d'exploitations individuelles.
L'aide étatique est plus conséquente concernant les exploitations collectives, apprenons-nous auprès de la responsable du secteur. Ses bénéficiaires ont reçu, toujours dans le cadre du FNDA 117500 plants.
Dans le cadre du nouveau programme 2022, l'intervention de l'État se diversifiant, celle-ci a consisté en réalisations de petits bassins d'irrigation au profit de trois agriculteurs, ainsi que l'acquisition de trois pompes à eau pour autant d'autres. Pour ce que notre source désigne sous le terme de systèmes familiaux, c'est-à-dire de toutes petites exploitations agricoles n'excédant pas une dizaine d'hectares, l'État a mis la main à hauteur de trois millions pour deux bénéficiaires.
Revenons maintenant aux plantations d'oliviers pour l'année écoulée, mais en ayant l'oeil sur les chiffes avancés plus haut concernant le chapitre de la plantation, afin de mieux nous pénétrer de la différence et de la constance des efforts financiers consentis par l'État. Nous voyons qu'au titre de l'année 2022, les oléiculteurs de la wilaya ont bénéficié de 8 439 plants pour une superficie de 33,75 ha.
L'enveloppe financière allouée à la réussite de cette opération est de 1687800 DA. Le nombre de bénéficiaires est de 77 oléiculteurs.
Pour les vergers dévastés par les incendies, les oléiculteurs exposés à ce sinistre ont reçu une indemnisation sous forme de 3160 plants. Le projet est confié à l'Entreprise ERGER Zakar pour un montant de 4963728 DA. L'opération de replantation a commencé simultanément le 12/12/2022 à El Hachimia et à Souk El Khémis.
On serait tenté de le croire. Il y a longtemps qu'on nous dit que le secteur a fait sa mue. Et il est vrai que l'on voit de plus en plus de machines neuves dans les champs et les expositions, comme aux deux grandes occasions de l'année : la campagne labours-semailles et la campagne moisson-battage. Mais la réalité est un peu différente. La preuve est que les huileries traditionnelles continuent à tourner à fond.
On en dénombre encore 46 dans la wilaya. Cela ne donne pas seulement un surcroît de peine aux producteurs et aux utilisateurs. Cela pose assez souvent un problème de pollution, à cause des rejets dans la nature.
L'exportation comme objectif
Naturellement, le progrès est visible. Le secteur compte 86 super-presses et 106 chaînes continues. Ces équipements modernes constituent à eux seuls un encouragement pour les producteurs d'huile d'olive en ce sens qu'ils voient leurs récoltes traitées rapidement et sans trop de perte, ni efforts supplémentaires. Nous savons que ce qui a détourné certains producteurs de la filière, c'est surtout tous ces inconvénients liés à du matériel archaïque.
Nous n'avons pas de chiffres concernant le nombre d'oléiculteurs en activité dans le passé. Mais nous avons ceux d'aujourd'hui. On a 3459 hommes et 283 femmes. Ce sont des chiffres encourageants. Surtout ceux concernant les femmes.
À notre connaissance, nous n'avions aucune information de femme dans la wilaya, et voilà qu'on apprend que la filière compte un nombre important d'oléicultrices. Mieux que tout ce que nous avons pu avancer comme chiffres et comme arguments pour spéculer sur le déficit en production d'huile d'olive que les prévisions situent autour d'un million de litres, ce nombre de femmes qui affichent leur goût pour ce noble métier montre, si besoin est, que cette filière, épine dorsale du secteur, se porte bien.
C'est l'ambition affichée par la responsable de la DSA. «Nous pensons organiser prochainement une réunion au niveau de la wilaya pour débattre de ce projet», déclare-t-elle. «Nous pensons déjà à la qualité de l'emballage.» ajoute-t-elle, enthousiaste.
A-t-on dit à madame la directrice qui est nouvelle que cette idée avait déjà germé dans l'esprit des responsables de l'époque et que dans les années 2003 ou 2004, la Chambre d'agriculture ayant participé au Salon d'agriculture de Paris, avait exposé dans les années ce produit qui aurait fait sensation parmi les visiteurs étrangers? C'était l'époque où l'ancien président de la Chambre en faisant directement allusion à la production oléicole de la wilaya de créer une recette en devises grâce à l'importation de ce produit.
Toutes les idées sont bonnes et toutes méritent d'être encouragées quand elles sont au service du citoyen et du pays.
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