Draa Kébila : poterie et travail de la laine en voie de disparition
Autrefois, à Draa Kébila, commune relevant de la daira de Hammam Guergour, toutes les femmes maîtrisaient parfaitement les techniques de poterie traditionnelle et du travail de la laine. Ces techniques artisanales se transmettaient de mères en filles. Il n’y a pas si longtemps, chaque maîtresse de maison fabriquait elle-même les ustensiles de cuisine dont elle avait besoin pour équiper son foyer.
Pour cela, les femmes s’approvisionnaient en terre d’argile, en se rendant par petits groupes aux gisements se trouvant non loin de leurs domiciles. Elles emmenaient avec elles de petites pioches ou binettes pour creuser et faire sortir la terre d’argile qu’elles transportaient à la maison en utilisant un contenant appelé "Thakaffachth", tressée avec de l’alfa.
Une fois l’argile brute arrivée à la maison, les femmes l’effritaient en utilisant une massue en bois. L’argile en poudre passait par un tamis pour lui enlever tous les détritus. L’argile était ensuite versée dans un contenant en y ajoutant de l’eau avant de procéder à son malaxage pour obtenir la pâte nécessaire à la confection d’objets tels que les ustensiles de cuisine, les jarres en terre (Ikkoufane) servant au stockage de blé, orge, figues, farine etc.
Avant d’entamer la réalisation d’un objet en terre, la femme choisissait une pierre plate ou un cylindre en argile (appelé "amadhoune") pour servir de plateforme. Ce dernier avait la forme d’un disque de 50 à 70 cm de diamètre et de 3 à 4 cm d’épaisseur. Il était aussi utilisé surtout comme dessous ou comme couvert de jarre faite d’argile.
Avec la pâte d’argile, les femmes fabriquaient divers ustensiles de cuisine tels que les assiettes, des marmites, des bocaux, etc
La fabrication des ces objets nécessitait beaucoup de patience de la part des femmes. Car le processus passait par plusieurs phases : la préparation de la terre et de la pâte d’argile, la confection des objets, la mise à la cuisson et enfin la décoration.
Pour la cuisson des objets fabriqués, les femmes préparaient un grand feu avec ’Thimargha’ (faites de bouzze séchée de vache) et des bûches de bois. Une fois le feu éteint, les objets refroidis étaient retirés un par un avec beaucoup de précaution afin d’éviter la casse.
La décoration, simple et originale de chaque objet, avec des teintes locales fabriquées par les femmes elles mêmes, achevait le processus de fabrication artisanal.
A Draa Kébila, le travail de la laine était aussi répandu que celui de la poterie ; d’autant plus que beaucoup de foyer s’adonnaient à l’élevage de moutons pour obtenir la viande et la laine dont ils avaient besoin et vendre le reste sur le marché.
Toutes les femmes apprenaient à travailler la laine et à fabriquer des tapis, des burnous et autres habits pour couvrir les besoins familiaux et vendre l’excédent afin de couvrir d’autres besoins.
Avant leur mariage, les jeunes filles fabriquaient elles mêmes les tapis qu’elles emmenaient avec elles vers leurs nouvelles demeures conjugales.
A travers le travail de l’argile et de la laine et leur participation aux travaux des champs, les femmes d’antan se sont distinguées et ont fait valoir leurs savoir faire artisanal. Elles fabriquaient elles mêmes beaucoup d’accessoires notamment ceux utilisés dans le travail de la laine ; le reste était le produit des hommes habitués aux travaux qui demandent un peu plus de force.
Non seulement elles participaient à la production de biens et services dont leurs foyers avaient besoin, mais elles transmettaient aussi les métiers d’artisanat féminin à leurs filles pour assurer la relève d’autant plus qu’à l’époque il n’y avait pas d’école dans cette contrée.
De nos jours, à Draa Kébila, à l’instar de beaucoup de métiers féminins, ceux de poterie et de la laine ont tendance à disparaitre de tous les foyers et beaucoup de femmes ne gardent qu’un vague souvenir. Mieux encore, nombreuses sont celles qui n’ont aucune idée à ce sujet.
Certes, aujourd’hui les femmes peuvent acheter tous les ustensiles auprès des magasins mais la poterie locale et les objets en laine auraient pu servir à alimenter le marché d’objets traditionnels dans le domaine touristique. C’est un créneau porteur d’emplois pour peu que l’on s’y intéresse.
Auteur : Rachid Seabbah
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